LE FACTEUR

Il y avait pourtant au village et dans la campagne environnante un homme pour qui les saisons n’avaient aucune incidence sur son rythme quotidien : le Facteur. Aussi loin que remontent mes souvenirs, juste après la guerre, je le revois parcourant la campagne et les rues du village sur son vélo, sa sacoche en cuir arrimée au guidon, sa grande pèlerine noire battant au gré du vent, son képi galonné de rouge solidement enfoncé sur sa tête, été comme hiver, poussant son vélo dans les côtes et les chemins, ne s’asseyant que dans les descentes. Quand il le pouvait, il confiait une partie du courrier aux enfants à la sortie de l’école. Ils le remettaient à leurs parents ou le distribuaient pour lui dans les fermes sur leur trajet. Il descendait tous les jours d’Alban et le soir il fallait y « remonter » … Je n’ai jamais su son nom, on l’appelait « lou manil » autrement dit le manchot car il n’avait qu’une main. L’autre était remplacée par un anneau qui lui servait à tenir son guidon. La vie d’un facteur de campagne n’avait rien d’enviable autrefois…